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L’héritier de la victime d’un abus de faiblesse peut demander réparation du préjudice matériel

13/02/2024
En cas de condamnation pour abus de faiblesse, les juges doivent se prononcer sur l’indemnisation du préjudice matériel causé aux héritiers de la victime décédée.

Une personne âgée de 92 ans souscrit de nombreux produits d’épargne, réalise un nombre anormalement élevé de retraits d’argent liquide et modifie son testament pour réduire de moitié la part initialement dévolue à son neveu, légataire universel. Les bénéficiaires de ces opérations sont son assistante de vie et un ancien collègue et ami. Ils font l’objet de poursuites pénales après le décès de la personne âgée. Le neveu, sa femme et leurs enfants se constituent partie civile.

Le tribunal correctionnel relaxe l’assistante de vie mais condamne l’ami pour abus de faiblesse. La constitution de partie civile du neveu est déclarée recevable, mais seulement concernant son préjudice moral, tandis que la constitution de sa femme et de ses enfants est rejetée faute de préjudice. Une instance sur les intérêts civils reste en cours pour décider du montant de l’indemnisation.

La cour d’appel n’est pas d’accord avec les premiers juges sur le préjudice moral subi par l’héritier et renvoie l’examen de la question à l’audience sur les intérêts civils, afin que le tribunal prenne en compte l’ensemble des préjudices subis.

La Cour de cassation casse l’arrêt, lui reprochant de ne pas avoir évoqué tous les points du litige. La cour aurait dû répondre aux conclusions de l’héritier qui réclamait, d’une part, la réparation du préjudice causé par l’infraction à la victime, de son vivant, indemnisation portée à la succession de celle-ci par les agissements des prévenus, et d’autre part la réparation du préjudice résultant de la réduction de ses droits dans la succession.

À noter

Rappelons que seule la victime directe d’un délit a la possibilité de se constituer partie civile. Or la Cour de cassation considère que le préjudice patrimonial subi par les héritiers d’une personne victime d’un abus de faiblesse n’est qu’indirect. Leur constitution de partie civile est irrecevable et ils ne peuvent pas déclencher les poursuites devant le tribunal correctionnel ou le juge d’instruction (Cass. ass. plén. 9‑5‑2008 n° 06‑85.751). Il en va toutefois autrement si l’héritier parvient à démontrer qu’il a personnellement souffert de l’infraction (Cass. crim. 22‑1‑2020 n° 19‑82.173), comme en l’espèce puisque le neveu avait expliqué que l’emprise exercée sur sa tante avait conduit cette dernière à mettre de côté sa famille dans les dernières années de sa vie, ce qui lui avait causé un préjudice moral.

Est-ce à dire que l’héritier dont les droits sont réduits dans la succession par suite d’un abus de faiblesse ne peut prétendre à aucune indemnisation ? Non, avait déjà répondu la chambre criminelle : si un procès pénal est déclenché par le parquet, l’héritier peut demander réparation civile du préjudice indirect à l’auteur du délit (Cass. crim. 10‑11‑2009 n° 09‑82.028) ; à défaut de procès pénal, il peut se tourner vers le juge civil. Cette décision du 17 janvier 2024 semble bien le confirmer, puisque la Haute Juridiction reproche aux juges d’appel de ne pas avoir répondu aux arguments de l’héritier concernant la réparation du préjudice subi par la victime de son vivant, portée à la succession de celle-ci, ainsi que du préjudice résultant de la réduction de ses droits dans la succession de sa tante.

 

Cass. crim. 17‑1‑2024 n° 22‑86.326

© Lefebvre Dalloz

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