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Prescription de l’action en nullité d’un acte pour insanité d’esprit exercée par un héritier

02/02/2024
L’action en nullité d’un acte à titre onéreux pour insanité d’esprit exercée par un héritier est celle du défunt et sa prescription est donc soumise au même point de départ, de sorte qu’elle ne court pas pendant la tutelle ouverte avant le décès.

Cinq ans après le décès de son père, mis sous tutelle en 2004, quatre ans plus tôt, l’un de ses fils, qui était son administrateur légal sous contrôle judiciaire, agit en nullité pour insanité d’esprit d’actes notariés à titre onéreux conclus par son père en 2001 et 2002.

Une cour d’appel déclare cette action prescrite au motif que la prescription a commencé à courir au jour du jugement prononçant l’ouverture de la mesure de tutelle, dès lors qu’à compter de cette date son fils, qui n’ignorait ni l’état de démence sénile dont son père était atteint, ni les actes faits par celui-ci, pouvait agir en annulation de ces actes en sa qualité d’administrateur légal sous contrôle judiciaire.

La Cour de cassation censure cette décision en se fondant sur le raisonnement suivant : l’action en nullité d’un acte à titre onéreux pour insanité d’esprit intentée par un héritier sur le fondement de l’ancien article 489-1 du Code civil est celle qui appartenait au défunt sur le fondement de l’ancien article 489 du même Code et doit être soumise à la même prescription. La prescription extinctive ne court pas contre les majeurs sous tutelle (C. civ. ex-art. 2252 ; art. 2235).

Il en résulte que la prescription n’avait pas pu courir contre le père, de sorte que son fils, qui agissait en annulation des actes en sa qualité d’ayant droit, ne pouvait pas se voir opposer l’écoulement du délai de prescription à compter du jugement de tutelle jusqu’au décès, peu important l’action qu’il aurait pu exercer durant la mesure de tutelle en sa qualité de représentant légal.

 

À noter

Precision inedite.

De son vivant, seul l’auteur de l’acte à titre onéreux (ou son tuteur ou curateur) peut en demander l’annulation pour insanité d’esprit ; après sa mort, ses héritiers ne peuvent en demander la nullité que dans les cas suivants (C. civ. art. 414-2, al. 1 a 5 ; ex-art. 489 et 489-1) :

  • l’acte portait en lui-même la preuve d’un trouble mental ;
  • l’intéressé était place sous sauvegarde de justice au moment de l’acte ;
  • avant son décès, une action avait été introduite aux fins d’ouverture d’une curatelle, d’une tutelle ou d’une habilitation familiale ou un mandat de protection future avait pris effet.

L’action en nullité d’un acte pour insanité d’esprit doit être exercée dans un délai de cinq ans (C. civ. art. 414-2, dernier al. ; ex-art.489, al. 2). La question qui se posait dans la présente affaire était celle du point de départ du délai de l’action engagée par le fils.

Retenant que l’héritier n’agissait pas en tant que représentant légal, contrairement à ce qu’avait retenu la cour d’appel, mais en tant qu’ayant droit, la Cour de cassation précise que l’action en nullité d’un acte à titre onéreux intentée par un héritier est celle de son auteur. En effet, les droits et actions du défunt sont transmis de plein droit et par le seul effet du décès aux héritiers (Cass. 1e civ. 4-7-2012 n°  11-10.594). En l’espèce, l’héritier avait engagé son action alors que son père était sous tutelle avant son décès. La prescription extinctive ne courant pas contre les majeurs sous tutelle (C. civ. art. 2235 ; ex-art. 2252), la prescription ne pouvait pas courir contre l’héritier entre l’ouverture de la tutelle et le décès.

Les restrictions à l’action des héritiers ne concernent pas les libéralités, dont la nullité peut toujours être demandée sur la seule preuve du trouble mental (C. civ. art. 414-2, al. 2 ; ex-art. 489-1, al. 1). Une telle action se prescrit par cinq ans à compter du décès du disposant (Cass. 1e civ. 20-3-2013 n° 11-28.318, s’agissant d’un testament ; Cass. 1e civ. 29-1-2014 n° 12-35.341, s’agissant d’une donation).

Cass. 1e civ. 13-12-2023 n° 18-25.557

© Lefebvre Dalloz

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