L’attribution ponctuelle des pertes d’une SCI à certains associés peut être admise
21/11/2022Les faits
Des époux sont associés d’une société civile immobilière (SCI) relevant du régime fiscal des sociétés de personnes. Ils possèdent chacun 0,5 % du capital social, les 99 %restants étant détenus par leurs cinq enfants. La SCI possède un immeuble qu’elle donne en location à des particuliers et ses résultats sont imposables au niveau des associés dans la catégorie des revenus fonciers.
L’AGE de la SCI a décidé, à l’unanimité de ses sept associés, quelques jours avant la clôture de chacun des exercices 2014, 2015 et 2016, que les bénéfices ou les pertes de la SCI seraient pris en compte en totalité par les parents et par aucun des enfants. Les trois exercices concernés ont dégagé uniquement des pertes.
S’appuyant sur ces décisions, les époux ont déclaré, au titre de leurs revenus imposables des années 2014 à 2016, des déficits fonciers correspondant à la totalité des pertes enregistrées par la société au titre de ces mêmes années et les ont imputés en totalité sur leurs revenus fonciers.
En se fondant sur l’interdiction des clauses léonines prévue par l’article 1844-1 du Code civil [ndlr : clause qui attribue à un cocontractant des droits et avantages disproportionnés principalement dans le partage des bénéfices ou la contribution aux pertes], l’administration a estimé que la fraction des déficits fonciers de la SCI attribuée aux époux pour les années d’imposition en litige devait être fixée en proportion de leurs parts dans le capital social, soit 1 % pour le foyer fiscal et a réintégré 99 % des déficits fonciers dans leurs revenus fonciers au titre de chacune des années concernées.
Ce raisonnement a été écarté par la cour administrative d’appel de Paris qui a donné raison aux époux (CAA Paris 16-1-2022 n° 20PA01989).
Décision du Conseil d’État
Le Conseil d’État rejette le pourvoi formé par l’administration fiscale contre la décision de la cour administrative d’appel qui a fait droit à la demande des contribuables. Pour le Conseil d’État, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que les décisions d’AGE ne pouvaient être regardées comme des stipulations réputées non écrites au sens des dispositions de l’article 1844-1 du Code civil dès lors que ces décisions, qui concernaient tant les bénéfices que les pertes, ne dérogeaient que de manière ponctuelle au pacte social. Celles-ci se bornaient à déroger aux règles statutaires pour ce qui concerne la répartition des seules pertes constatées à la clôture des trois exercices concernés, alors même que ces décisions ont eu pour effet d’exonérer certains associés de toute participation à ces pertes.
CE 18-10-2022 n° 462497
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