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Quand la contribution aux charges du ménage fait échec à l’indemnisation d’un concubin

24/03/2022
Un concubin ne peut pas être indemnisé au titre de l’article 555 du Code civil sans rechercher si sa participation à la construction de la maison de sa compagne, qui a constitué le logement de la famille, ne relève pas de sa contribution aux dépenses de la vie courante.

Au cours de leur vie commune, deux concubins font construire une maison. Ils se séparent quelques années plus tard. La maison ayant été construite sur un terrain appartenant à la concubine, cette dernière en est devenue propriétaire par accession (C. civ. art. 555). Faisant valoir qu’il a réalisé et financé la majeure partie des travaux, le concubin réclame à son ex-compagne une indemnité pour sa participation à la construction sur le fondement de l’article 555, alinéa 3 du Code civil.

La cour d’appel de Montpellier fait droit à sa demande et ordonne une expertise pour chiffrer le montant de l’indemnité basée sur le coût des matériaux et de la main-d’œuvre. Elle considère que, si le concubin a profité de la villa pendant plusieurs années, cette circonstance n’exclut pas qu’il puisse être indemnisé pour sa participation à la construction.

La Cour de cassation casse l’arrêt. Elle rappelle qu’aucune disposition légale ne règle la contribution des concubins aux charges de la vie commune, de sorte que chacun d’eux doit, en l’absence de volonté exprimée à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu’il a engagées. La cour d’appel ayant constaté que la maison avait constitué le logement de la famille pendant la vie commune du couple, elle aurait dû rechercher si la participation du concubin à la construction ne relevait pas, au moins pour partie, de sa contribution aux dépenses de la vie courante.

Commentaire

Lorsqu’un concubin a financé la construction d’une maison sur un terrain appartenant à son partenaire, devenu propriétaire par accession immobilière, il peut en principe obtenir le remboursement des travaux qu’il a supportés sur le fondement de l’article 555 du Code civil, à condition qu’il n’existe pas entre eux une convention réglant le sort de la construction (Cass. 3e civ. 5-3-2003 n° 01-16.033).

L’arrêt commenté montre que la demande d’indemnisation peut être tenue en échec si les juges estiment qu’en finançant les travaux le concubin n’a fait que contribuer aux charges de la vie commune, alors même que les concubins ne sont pas tenus légalement à une telle obligation, ce que rappelle la Cour de cassation… Le raisonnement est le suivant : aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d’eux doit, en l’absence de convention à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu’il a exposées. Le remboursement de l’emprunt ayant servi à financer la construction du logement familial, la Cour de cassation considère qu’il constitue une « dépense de la vie courante ». Si le concubin n’a fait que contribuer aux charges de la vie commune en finançant la construction, les dépenses qu’il a engagées doivent rester à sa charge. Si, au contraire, sa participation au financement des travaux a dépassé sa contribution aux dépenses de la vie commune, il peut être indemnisé au titre de cette surcontribution. La cour d’appel de renvoi devra trancher cette question au vu des circonstances.

Ce n’est pas la première fois que la contribution aux charges du ménage fait obstacle à l’indemnisation d’un concubin au titre de l’article 555 du Code. Dans un arrêt de 2020, les juges du fond, « faisant ressortir la volonté commune des parties », ont déduit des circonstances que le concubin avait participé au financement du logement familial, propriété de sa compagne, au titre de sa contribution aux dépenses de la vie courante ; de sorte que les sommes engagées par lui devaient rester à sa charge (Cass. 1e civ. 2-9-2020 n° 19-10.477).

L’arrêt commenté montre une nouvelle fois que le résultat des recours entre concubins après leur séparation est aléatoire.

 

Source : Cass. 1e civ. 9-2-2022 n° 20-22.533 F-D

© Lefebvre Dalloz

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