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Congé pour reprise d’un logement démembré : le bailleur, c’est l’usufruitier

07/04/2022
Seul l’usufruitier, et non le nu-propriétaire, peut délivrer un congé pour reprise et agir en vue de faire reconnaître sa validité. Et c’est à son égard que s’apprécie le lien familial du bénéficiaire de la reprise.

Un bref rappel préliminaire

Le congé donné par le propriétaire-bailleur doit obligatoirement être motivé :

· soit par la reprise du logement ;
· soit par la vente (dans ce dernier cas, le locataire bénéficie d'une priorité d'achat) ;
· soit par un motif légitime et sérieux.

Les circonstances de l'affaire

Le nu-propriétaire d’un logement notifie congé à son locataire en vue de reprendre le logement au profit de la fille de sa concubine.

Le locataire conteste la validité du congé pour deux motifs :

· d’une part, le bailleur étant l’usufruitier du logement, seul celui-ci pouvait légalement lui donner congé ;
· et, d’autre part, la belle-fille du nu-propriétaire ne pouvait pas être la bénéficiaire, ce lien de parenté ne figurant pas dans l’énumération légale des bénéficiaires d’un congé pour reprise.

La cour d’appel rejette les demandes du locataire et valide le congé donné par le nu-propriétaire.

La décision de la Cour de cassation

L’arrêt est cassé :

· l’usufruitier seul, en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, peut, en sa qualité de bailleur, agir en validité du congé pour reprise, et le défaut de qualité à agir constitue une fin de non-recevoir ;
· sur le lien de parenté, les conditions de la validité du congé pour reprise ne peuvent être appréciées qu’au regard du lien existant entre le bénéficiaire de la reprise et l’usufruitier.

Quelques explications

En cas de démembrement de propriété, qui, de l’usufruitier ou du nu-propriétaire, a la qualité de bailleur ? La Cour de cassation répond sans ambiguïté (et sans surprise) que seul l’usufruitier a qualité de bailleur en vertu de son droit de jouissance sur le bien (C. civ. art. 595, al. 1). Il en résulte donc que lui seul a qualité pour délivrer un congé et agir en justice en vue de le faire valider, quel que soit son motif (motif sérieux et légitime, reprise, vente).

Dans l'affaire ici commentée, il s’agissait d’un congé en vue de reprendre le logement loué dans le cadre d’un bail en meublé à usage de résidence principale du locataire (Loi 89-467 du 6-7-1989 art. 25-8). Le nu-propriétaire avait conclu le bail, puis, plus tard, délivré un congé pour reprise et assigné le locataire en validité de ce congé. Puisque l’usufruitier a seul la qualité de bailleur, c’est à lui d’agir en validité de la reprise, le défaut de qualité constituant une fin de non-recevoir. La Cour de cassation censure donc les juges du fond qui ont déclaré recevable l’action en validation du congé introduite par le nu-propriétaire, demande au soutien de laquelle l’usufruitier était intervenu volontairement.

Qu’en est-il de la validité du congé pour reprise ? La reprise du logement est un des motifs permettant au bailleur de donner congé au locataire, aussi bien dans le cadre d’une location nue (Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 15, I) que dans celui d’une location meublée à titre de résidence principale, elle aussi soumise à la loi de 1989 (Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 25-8, I-al. 4).

Le congé doit notamment indiquer la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise, qui ne peut être que le bailleur lui-même, son conjoint, son partenaire auquel il est lié par un Pacs enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins 1 an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire (Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 15, I-al. 1 et art. 25-8, I-al. 4).

En l’espèce, le nu-propriétaire avait délivré le congé en vue de faire occuper les lieux par sa belle-fille (la fille de sa concubine). Sur ce point également, l’arrêt de la cour d’appel qui avait validé le congé est censuré par la Cour de cassation, qui précise que « les conditions de la validité du congé pour reprise ne peuvent être appréciées qu’au regard du lien existant entre le bénéficiaire de la reprise et l’usufruitier ».

Cass. 3e civ. 26-1-2022 n° 20-20.223 FS-B

© Lefebvre Dalloz

 

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